La Bergara B14 HMR .308 Winchester à longue distance
Si la marque Bergara n’est encore que peu populaire dans nos contrées, elle rencontre un réel succès aux États-Unis. La production y est d’ailleurs largement destinée et une filiale locale y a été implantée, chose classique pour une marque désirant prendre pied durablement là-bas. Mais c’est bien à Paris, le 25 janvier 2023, que Bergara a fait le pari de se lancer dans la distribution de ses produits en France à travers sa filiale « BPI Outdoors France ».
Dans une petite ville du Pays Basque Espagnol
Ces dernières années, la société « Bergara International », basée dans la petite ville de Bergara en Espagne, a acquis une réelle renommée dans la fabrication de canons de haute précision. Longtemps spécialisée dans les canons de chasse, le développement de gammes destinées à la précision a été un tremplin pour franchir le pas et produire des carabines. Le Pays Basque ne manque pas d’atout en la matière, le domaine armurier ayant de longue date ses racines en ces terres. Bergara a aussi bénéficié de la collaboration de tireurs et de professionnels de renommée internationale. Elle a ainsi su s’enrichir du savoir de personnes comme, Ed Shilen, tireur de renom du Benchrest et fondateur de Shilen Rifle Inc., Dan Hanus, ancien chef de la production et instructeur en chef de la section des armes de précision du Corps des Marines des États-Unis, ainsi que du célèbre chasseur et champion de PRS et Espagnol F-Class Rafa Carrillo.
La destination du modèle HMR de la gamme B14 est résolument orientée vers le tir à moyenne ou longue distance. Il ne s’agit pas d’armes haut de gamme et spécialisées, mais d’une carabine d’usine honnêtement réalisée offrant un rapport qualité/prix très favorable permettant de satisfaire les tireurs des plus exigeants. Son nom ? HMR pour « Hunting Match Rifle » : tout est dit, même si le nom peut laisser penser qu’il s’agit d’une en arme…en .17 HMR ! Le modèle est disponible en 4 calibres : .22-250 Remington (canon de 61 cm), 6,5 Grendel (canon de 61 ou de 66 cm), .308 Winchester (canon de 61 cm) et .300 Winchester Magnum (canon de 66 cm). Des choix diversifiés et rationnels, sans être pléthoriques (et donc sans s’y perdre) : de quoi satisfaire aux différents souhaits de différents utilisateurs. La réputation première de Bergara repose sur la qualité de réalisation de ses canons. On retrouve le processus classique de fabrication par olivage agrémenté d’un savoir-faire et d’une expérience solide, donnant des résultats ayant fait leurs preuves (Photo 03).
Dès la sortie de sa boîte, l’inspection est flatteuse : finition parfaite, esthétisme tout en sobriété et un toucher agréable. Cependant, bien que le « H » de HMR désigne « Hunter », pour la chasse… avec 4,39 kg sans optique notre carabine sera plus confortable sur un affut qu’à l’épaule d’un Nemrod !
Inspirations et compatibilités avec la Remington 700
Le boîtier de culasse de la gamme B14 ne dépaysera pas les afficionados de celui de la Remington 700…à quelques détails près ! Cylindrique, il accueille sur sa partie avant un classique tenon de recul (Photo 04). De bonne dimension il vient s’emboiter dans un logement de la crosse. À la différence du boîtier Remington, celui de la Bergara recouvre et indexe la bague du tenon de recul. Un évent permettant l’évacuation des gaz en cas de rupture d’étui est présent sur le flanc droit. On retrouve sur sa partie supérieure les 4 vis permettant d’installer un rail pour le montage optique. Le bloc détente est goupillé sur le boîtier (Photo 05). La crosse est assemblée par deux vis se logeant à l’avant et à l’arrière du pontet. L’ensemble de ces éléments est compatible avec ceux disponibles pour Remington 700 ouvrant un vaste choix dans les configurations. Ici aussi, ces choix sont rationnels : pourquoi ré-inventer un nouveau standard quand un déjà existant donne largement satisfaction ? À l’instar de la Remington 700, le boîtier de culasse dispose d’un rail de guidage dans lequel vient coulisser une rainure sur le tenon droit de la culasse. Le verrouillage se réalise directement dans le boîtier de culasse. Une autre différence avec une Remington 700 concerne la commande de démontage de la culasse : Bergara s’inspire du système Mauser avec un verrou latéral monté sur le flanc gauche (de notre point de vue, plus rationnel que celui de Remington – Photo 06).
On aura deviné que la culasse est également elle-même inspirée de celle de la « 700 ». Elle dispose cependant d’éléments propres et intéressants (Photo 07). En premier lieu, l’indicateur d’armement, toujours visible à l’arrière de la noix de culasse, fait saillie sur la partie inférieure et présente un repère rouge en position armée : il est aussi bien tactile que visuel (Photo 08). La culasse dispose de 2 tenons positionnés en tête. Celui de droite comporte un large extracteur inséré dans son corps (Photos 09 et 10). Ce dernier offre bien plus de confiance que le maigre extracteur inséré dans la culasse de la 700. L’éjecteur, présent dans la cuvette de tirLa cuvette de tir est la partie de la culasse qui accueille ... More, est – comme sur la 700 – sous forme d’un poussoir sous tension permanente d’un ressort. Le levier de manœuvre est large et parfaitement adapté à une action rapide et confortable, loin devant celui d’une Remington 700 originale ! Autre point fort le démontage de l’ensemble, il suffit d’insérer une tige dans un évidement de la culasse et de dévisser la noix arrière… difficilement plus simple (Photo 11) !
Le canon de notre modèle en .308 Winchester mesure 61 cm. De qualité « Match », il est en acier 4140 Chrome-Molybdène. Avec un diamètre au boîtier de 33,33 mm et de 19 mm à la bouche, il est cylindrique sur sa plus grande partie. Il est fileté à son extrémité : 18 mm au pas de 100, une bague en acier protégeant le filetage. Il est intégralement flottant et dispose de 6 rayures droitières au pas de 1 tour en 10 pouces, permettant de stabiliser des projectiles lourds de 180 gr à 200 gr (Photos 12 et 13). L’ensemble boîtier et canon reçoit une peinture Cerakote au rendu gris sombre mat du meilleur effet.
La crosse n’est pas sans rappeler celles montées sur les carabines Mac Millan. Elle surmoule un châssis en aluminium qui encage la fixation du boîtier (Photo 14). Ce dispositif offre une parfaite rigidité. En matière synthétique, la crosse est de couleur principale « Flat Dark Earth » avec des motifs en reliefs granuleux. Le rendu est sobre, agréable au toucher avec une bonne préhension. La longueur de la crosse peut s’adapter à la morphologie du tireur : 3 cales peuvent être disposées à l’avant de la plaque de couche (Photo 15). Cette dernière, caoutchoutée, atténue la sensation du recul. Le busc est également réglable en agissant sur une molette installée sur le flanc droit. Trois points d’ancrage de grenadière de type « Uncle Mike » sont présents sur la partie inférieure de la crosse permettant le montage d’une bretelle et d’un bipied, mais également 4 attaches rapides « QD Flush Cup » (de part et d’autre, 2 à l’avant du fût et 2 à l’arrière de la crosse) pour l’installation de bretelles tactiques.
Sur notre exemplaire, le départ est agréable, franc et direct avec un lâcher mesuré à 1,350 kg. Il est réglable après dépose de la crosse par une vis. Le levier de sûreté est positionné sur le flanc droit de la cassette de détente : à deux positions il n’interdit pas le mouvement du verrou lorsqu’il est engagé.
Le boîtier chargeur est en matière synthétique et d’une contenance de 5 cartouches (Photo 16). Son démontage est aisé : à l’instar de nombreuses armes à vocation professionnelle, il suffit de refouler la planchette de verrouillage via un orifice dans la semelle du chargeur (Photo 17). Rationnel une fois encore, il est au standard AICS ! Le choix est donc vaste parmi les modèles présents sur le marché et leur budget, AICS, Magpul, MDT, etc… La contenance peut ainsi facilement être portée à 10 coups. Le pontet est en matière synthétique : l’inspiration « Magpul » est bien réelle ! La commande du verrou de chargeur est idéale : placée devant le pontet, ambidextre et composée d’un large poussoir sur le principe de nombreux fusils d’assauts (Photos 18 et 19). Même des mains gantées ne seront pas gênées.
Montage, optique, réducteur de son et munitions
Pour le montage (rail compris), nous sommes restés sur nos « classiques » : des composants TPS. Le rail en acier est penté à 20 MOA, permettant d’économiser des clicks non négligeables à longue distance. Les colliers de la même marque sont en aluminium et d’un profil « médium » en 30 mm. Rappelons que les rails, embases et colliers sont au moins aussi importants dans leur choix que l’optique.
Dis-moi quelle est ta lunette, je te dirai qui tu es ! On néglige parfois le choix de son optique, ou on laisse le marketing commander nos actes. L’acquisition d’une bonne lunette doit être rationnelle, à savoir préalablement déterminer son budget. Il faut insister sur le principe de cohérence, car les plus « beaux réticules » surchargés à l’extrême (avec le plus de détails, de chevrons et autres « sapins de noël »), se rencontrent régulièrement avec des graduations en milliradian, mais des valeurs de clicks correspondant à des fraction (1/4,1/8, 1/16…) de Minute d’Angle (Minute of Angle – MoA), voire l’inverse ! Bref, on mélange des unités différentes (avec des unités de distances également différentes : yards et mètres) …même nos calculatrices vont en perdre le Nord (magnétique)….
Nous avons opté pour une optique d’excellente qualité, d’un budget raisonnable et surtout parfaitement cohérent pour notre pratique du tir : le tir à moyenne et longue distance…par temps de paix ! La firme américaine Shepherd produit des optiques dans des gammes allant du classique au plus élaboré (multi-réticule par exemple). Le modèle BRS 4-16×44 FFP offre un grossissement maximal de 16. La lunette bénéficie de lentilles de qualité et d’un corps de 30 mm assurant une bonne luminosité, des contrastes agréables et un bon nombre de clicks. Les tourelles hautes permettent un réglage précis (d’une valeur de 0,1 mil, soit 1 cm à 100 m, 2 cm à 200 m…) et se verrouillent par enfoncement (Photo 20). Un réglage de parallaxe est disponible sur le flanc gauche de la lunette, avec des valeurs de distances renseignées en mètres. Le réticule a l’avantage d’être sur le premier plan focal, c’est-à-dire que sa taille évolue en fonction du grossissement sélectionné, ce qui permet d’effectuer les évaluations de distances et les corrections à l’aide du réticule sans se soucier du grossissement sélectionné. Concernant le réticule lui-même…chacun sera juge ! Il s’agit d’un Mil-Dot « amélioré », que certains trouveront simple d’emploi (par temps de paix…pour sûr), et d’autres, inutilement chargé, le Mil-Dot proposant déjà un outil très complet pour le tir en toutes circonstances (Photo 21).
En matière de réducteur de son (élément de plus en plus nécessaire sur certain pas de tir), notre choix se porte souvent sur des modèles en acier et plus particulièrement sur ceux de la firme Finlandaise Ase Utra. Notre armurier a réussi à nous convertir à un silencieux venant également du « Nord », le Norvégien A-TEC H2 (Photo 22). Ce modèle attractif financièrement est particulièrement intéressant. Il est très polyvalent : composé notamment de 3 chicanes identiques en aluminium, sa longueur peut être adaptée en fonction de la munition utilisée (en passant de 1 à 3 chicanes). Le silencieux est composé au total de 5 éléments (Photo 23). La partie arrière recouvre le canon sur 80 mm (filetage compris). Elle présente un appendice en acier inoxydable (comportant le filetage lui-même) semblable à un cache-flamme dont le but et de diffuser les gaz de façon homogène dans le silencieux (Photo 24). C’est sur cet élément à la durabilité supérieure que se fixent les 3 chicanes en aluminium. Leur design est particulièrement élaboré. Enfin, la dernière chicane est coiffée d’un « bouchon », lui aussi en aluminium. Le démontage, possible sans outil, permet un nettoyage simplifié et efficace ainsi que l’inspection sans failles du dispositif. Ces dimensions sont dans la norme, 49,4 mm de diamètre pour une longueur de 230 mm, allongeant l’arme de 150 mm. La masse de 410 g est intéressante puisque dans la fourchette basse de ce segment. Compte tenu des cadences de tirs, l’utilisation d’un silencieux en aluminium sur une arme à verrou est parfaitement rationnelle. On gagnera en poids ce qu’on perdra en « durée de vie potentielle » …reste à voir à quel nombre de coups ce silencieux sera hors-service, l’utilisation d’un premier élément en acier inoxydable étant de bon augure !
Au tir : cap vers les 700 m
La prise en main et le rodage de l’arme ont été effectués avec des munitions rechargées pour des tirs à 100 m. Pour les tirs à plus longues distances, nous avons rechargé des munitions avec des étuis Lapua en employant des balles 185 gr OTM Scenar de la même marque et de la poudre Vihtavuori N140. Nous avons également utilisé des munitions manufacturées, restant fidèles aux excellentes cartouches GGG Match, utilisant des projectiles Sierra. Ces munitions économiques sont particulièrement régulières et précises à moyenne et longue distance (et européenne de surcroit).
Les premiers tirs ont donc été réalisés à 100 m, en position couchée ou assise. Sans avoir encore nos habitudes, la Bergara B14 HMR a immédiatement produit des groupements très intéressants (homogènes), avec nos munitions manufacturées et rechargées. Ce constat établi, inutile de « griller » inutilement de la cartouche : nous passons à des distances supérieures de 200 m à 700 m. Les mesures de vitesses étant préalablement relevées, nous nous sommes fiés aux calculateurs Strelok et Lapua (version smartphone, cette dernière application étant la plus fiable avec les projectiles de la marque). Après un passage concluant par le 200 m, nous sommes rapidement passés à la distance de 700 m sur des gongs en Hardox et des « Poppers ». L’absence d’effet du vent a considérablement facilité nos tirs. Après quelques tirs d’essai, nous avons positionné un groupement de 5 balles dans la partie supérieure du « poppers » à 700 m. Le groupement relevé est un H+L de 24 + 20 cm, soit une diagonale de 31,24 cm, environ 0,446 mil ou encore 1,533 MoA (Photo 26). Ce résultat est particulièrement encourageant en tenant compte du fait qu’il ne s’agit que d’un début sur cette arme ! On peut sans risque estimer qu’une plus grande pratique pourrait produire des résultats facilement améliorés et reproductibles.
En conclusion
Nous avons rarement été autant séduits par une arme à verrou. Économique, la Bergara B14 HMR ne fait pourtant aucune compromission sur la qualité de réalisation et sur sa pertinence, elle est un outil parfait pour un débutant désireux de s’initier, mais également pour un tireur confirmé. Proposée toute équipée au tarif d’une Remington 700 d’entrée de gamme, on peut clairement indiquer qu’en configuration similaire elle serait presque 50% moins couteuse pour un ensemble de notre avis de bien meilleure qualité ! Espérons que la récente ouverture d’une filiale Française de la marque lui assurera la place qu’elle mérite sur ce marché.
Julien Lucot
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Remerciements :
Jean-Paul Sape de SDS Armurerie pour la mise à disposition de l’arme et ses conseils techniques.
L’armurerie BGM, pour les composants Lapua et Nosler ainsi que les munitions GGG :
Le stand de Tir Longue Distance de Montagnol, pour leur accueil :
Le site de Bergara :
https://www.bergara.online/en/fr/
La page du fabricant dédié à la B14 HMR :
https://www.bergara.online/en/fr/carabines/serie-b14/b14-hmr-hunting-and-match-rifle-carabine/
