Si les Soviétiques furent prolifiques en matière d’armement, le pistolet de poche en fut longtemps un parent pauvre, notamment représenté par le pistolet « Tula-Korvin » ou TK-26 de calibre 6,35×17 SR. Sa conception remontait à 1926 et sa production avait cessé dès le milieu des années 1930.

Un travail d’équipe

Officiellement adopté en 1972, le Pistolet Samozaryadniy Malogabaritniy (pistolet semi-automatique de petite taille) en abrégé PSM fut développé à Tula, un des hauts lieux de l’armement Russe et Soviétique. L’équipe en charge du projet fut composée de TikhonIvanovich Lashnev, Anatoliy Alexeevich Simarin et Lev Leonidovich Kulikov. Ces trois concepteurs étaient forts d’une solide expérience et reconnus pour leur compétence. T.I. Lashnev avait notamment travaillé avec Fedor Tokarev et Sergey Korovin avant de travailler après-guerre sur des armes de chasse et tir sportif. A.A. Simarin avait travaillé à Toula sur du matériel industriel tel qu’un pistolet pneumatique (le premier d’URSS) et la conception de cartouches pour pistolet industriel. L’équipe put compter sur l’aide de E.F.Moiseev, chercheur et ingénieur à Tula. L’émulation de groupe fut excellente et rapidement aboutit à une arme qui répondait  parfaitement aux critères, au point qu’elle fut rapidement mise en production après une série d’essais concluants. Cette production eut lieu à Ishevsk et non à Tula, les impératifs industriels primant sans doute sur toute autre forme de considération. Le cahier des charges de l’arme insistait notamment sur un poids et des dimensions réduites, « semblables à une boîte d’allumettes » pour reprendre les termes de A.A. Simarin, mais aussi sur la fiabilité de l’arme qui devait être en adéquation avec un usage militaire. Concurremment à ce groupe de travail, une équipe s’était vue confier la difficile mission d’adapter le Pistolet Makarov (décrit au chapitre précédent) à la cartouche de 5,45×18. Ce type de mission est complexe, notamment quand les différences entre les calibres sont à ce point marquées : une arme se construit autour d’un calibre et d’une munition. Si cette entreprise fut un échec, la démarche n’en demeure pas moins intéressante : en cas de succès, elle pouvait simplifier encore les problématiques productives, logistiques et d’instructions.

La munition de 5,45×18

Cette petite munition possède un poids total inférieur à 5 g pour un poids de projectile compris entre 2,4 et 2,6 g. Son étui à collet rétreint et à gorge accueille une charge de 0,15g de poudre. Le dessin définitif  de la munition réglementaire aurait été finalisé par Aleksandr I. Bochin en 1979, soit près de 7 ans après l’adoption de l’arme ! L’auteur Russo-soviétique D.N.BOLOTIN lui attribue une efficacité proche du 9×18 Makarov. Ceci mérite quelques explications. L’efficacité terminale d’une munition de petit calibre à usage militaire peut se définir dans les grandes lignes selon deux critères : perforation et potentiel vulnérant. La munition réglementaire, baptisé 7-N-7 dans la nomenclature soviétique, possède un projectile cylindro-ogival dont l’extrémité avant comporte un méplat. Sa composition reprend, comme souvent dans les munitions soviétiques de petit calibre, un noyau composé d’une partie en plomb et d’une partie en acier doux, le tout chemisé par de l’acier plaqué tombac ou cuivre. Ici, les deux parties du noyau sont superposées : l’acier à l’avant, le plomb à l’arrière. La présence d’un noyau acier, dont l’apport en matière de perforation dépend des matériaux traités, présente en tout cas l’avantage d’augmenter les probabilités de la préséance d’un fragment de projectile résiduel de taille importante après passage au travers d’un premier écran. Dans le cas des noyaux plomb, il n’est pas rare que le projectile soit intégralement désagrégé par l’impact dans certain matériaux, générant un nuage de fragment métallique à la capacité vulnérante plus limité. Il ne faut pas réaliser ici de généralisation : la balistique terminale comporte trop de variable pour cela. Un autre avantage de l’utilisation d’acier dans les projectiles (comme dans les étuis) est économique : cela permet d’économiser plomb et cuivre, notamment sur des productions à très grande échelle. La qualification de ce type de projectile en tant que « munition perforante » reste une question de point de vue, de sémantique ou de législation: d’un point de vue personnel, il s’agit d’une « munition ordinaire » pour ce calibre. À l’instar des munitions 7-N-6 et 7-N-10 de 5,45×39, la partie avant du projectile, comporte un vide. L’ensemble de cette construction permet une localisation du centre de gravité du projectile très à l’arrière, favorisant ainsi le basculement du projectile à l’impact dans un corps mou, mais aussi de meilleures performances en mire de balistique externe. Lors du basculement, le projectile expose son flanc, long de 14.20 à 14.50 mm à la cible et favorise une rapide transmission d’énergie par déplacement de matière. Pour comparaison, le projectile est plus long que celui du 9×18 M, qui mesure 12.51mm. Il est vraisemblable que ce basculement ait lieu seulement quelques centimètres après la pénétration dans un corps mou, comme le fait la munition 7-N-6 de 5,45×39 qui lui est contemporaine. Concernant la perforation, outre la composition du projectile, la vitesse et la densité de sectionLa densité de section est la division de la masse du projec... More du projectile constituent deux facteurs importants de l’équation. Ici, on constate que les vitesses en 9×18 M et 5,45×18 sont comparables (voisines des 315 ms^-1) et que la densité de sectionLa densité de section est la division de la masse du projec... More de la 5,45×18 est supérieure à celle du 9×18 M. Les performances en terme de perforation sont donc en toute logique supérieures à celle du 9×18 Makarov. La littérature traitant du sujet annonce couramment que la munition de 5,45×18 tirée dans le PSM serait capable de perforer 30 à 45 plis de Kevlar avec une énergie résiduelle encore létale à des distances usuelles d’emploi (comprendre dans le cas d’une arme de poing, entre 0 et 15 M). Au-delà des effets d’annonce, il s’agit de garder la tête sur les épaules : il s’agit d’une munition pour une arme de poing destinée à la défense personnelle et non d’une arme d’assaut. L’efficacité de cette munition ne saurait être comparée à autre chose qu’à une munition pour arme de poing destinée au même usage. En l’occurrence, la comparaison avec le 7,65×17 ou le 6,35×15 SR donne l’avantage au 5,45×18, tout en présentant des capacités intéressantes au regard du 9×18 Makarov. La même réflexion s’applique au calibre issu du programme « Personal Defense Weapon » que sont le 4.6×30 et le 5.7×28. Il serait illusoire de vouloir substituer des calibres de fusil d’assaut par ces calibres ; au motif que les probabilités d’atteinte avec les armes qui leurs sont dédiées, plus légères et plus compactes qu’un FAFusil d'Assaut More, est excellente dans le tronçon 0-200 M. Mais retournons à notre PSM. La faible énergie de la munition présente ici un autre un avantage indéniable : sur une arme à culasse non-calée, elle permet un allégement considérable de la culasse, et donc de l’arme. Rappelons ici que la masse de la culasse est principalement responsable du principe de fonctionnement de la culasse non-calée : la masse s’opposant au recul de l’étui dans la chambre. Ainsi, plus la munition est puissante, plus cette masse doit être conséquente. Un autre avantage réside dans la dimension de la munition complète : malgré un gabarit réduit, la capacité du chargeur reste de 8 coups.