SKS : l’errements merveilleux Soviétique
L’apparition du premier calibre intermédiaire en Union Soviétique, adopté sous sa première forme 7,62×41 mm M43 en 1943, puis sous sa version définitive 7,62×39 mm M43 en 1945, aboutira à la mise en service de 3 armes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si l’AK s’inscrivait parfaitement dans l’air du temps, le RPD était précurseur des « Squad Automatic Weapon » et la SKS était… objectivement déjà dépassée par plusieurs aspects au moment de son adoption par l’Armée Soviétique ! Mais cette adoption ne fut pas sans raison, et l’arme de Simonov reste quoi qu’il en soit, merveilleuse à bien des égards.
Un besoin révolu ?
Au lendemain de la révolution d’Octobre et de la Guerre Civile Russes, les « Rouges » héritent d’un pays largement agricole, peu industrialisé avec une population faiblement instruite. Concernant l’éducation, il est nécessaire de préciser que cet état de fait est bien plus le fruit d’années de guerre que d’une politique Impériale négligeant l’éducation de sa population. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, sous le règne du Tsar Nicolas II, une large partie de la population avait accès aux écoles et le niveau d’instruction n’était sans doute, au début de la Première Guerre Mondiale, pas pire que dans d’autres nations dites « industrialisées ». Quoi qu’il en soit, la situation est jugée « préoccupante » par les Soviétiques, l’éducation étant stratégique dans tous les domaines. Afin d’atteindre la place de « nation industrialisée moderne » tant convoitée, le régime introduira un grand nombre de réformes (avec certains déboires que l’on connaît) parmi lesquelles, des réformes sur le système éducatif.
Cependant, de façon évidente, les effets produits par de telles réformes ne se font pas sentir instantanément. Et dans le cas de l’éducation et de l’Union Soviétique, la chose est sans doute encore plus complexe à mettre en œuvre de par l’étendue immense du territoire et de la nature rurale de sa population. Lors du recensement de 1926, 82,10% de la population vivait en zone rurale. À titre comparatif, ce pourcentage était 25,21% lors du recensement de 2021 ! Il est aussi nécessaire de préciser ici que l’éducation n’apporte pas que la capacité de « lire et compter » : elle améliore également grandement les capacités d’interagir et de s’adapter. Nous éviterons cependant ici le raccourci qui consiste à dire qu’elle développe « l’intelligence ». Le sujet est bien trop complexe pour faire de tels raccourcis et nos sociétés modernes nous ont prouvé à de nombreuses reprises que ce n’est pas parce qu’on a fréquenté les écoles les plus prestigieuses que l’on ne peut pas faire preuve de la bêtise la plus crasse qui soit…À l’inverse, l’histoire est parsemée d’autodidactes prodigieux !
Quoi qu’il en soit, l’état des lieux du niveau de la population est à prendre en compte en toute chose…et notamment en matière militaire. Il incombe donc de mettre à disposition du matériel adapté à cette population. Pour le fantassin, si la vie ne se limite pas à tirer et nettoyer son arme (loin de là…), il est cependant nécessaire d’avoir à disposition une arme « simple » sous l’ensemble de ces aspects. Les fusils à verrous des deux guerres mondiales répondent parfaitement à cette exigence de simplicité : le démontage de terrain se cantonnant souvent au retrait et démontage de la culasse parfois accompagné par la dépose du système d’alimentation. Cependant, les évolutions techniques initiées pendant l’entre-deux-guerres énoncent clairement le futur de l’armement du fantassin : l’avenir sera semi-automatique et voire même automatique ! Ainsi, pour maintenir la « puissance de feu » à niveau tout en prenant en compte la nature de la population constituant les troupes en cas de mobilisation, il est nécessaire de concevoir une arme adéquate. C’est à ce croisement des besoins que va voir le jour la SKS vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’arme se veut simple pour une utilisation aisée et efficace par un public faiblement formé. Et effectivement, la SKS excelle dans cet emploi : pas de rafale, pas de gestion de chargeur, pas de perte de baïonnette. L’arme est constituée de « gros » sous-ensembles, peu prompts à la casse, à la perte et aisément nettoyés. Au début de la Seconde Guerre mondiale, nul doute qu’une telle arme aurait constitué un formidable atout sur le champ de bataille.
Mais tout le problème est là : cette arme ne sera mise en production qu’en 1949, de façon concomitante avec une certaine « AK » (celle qui est souvent appelée AK-47 pour ne pas être confondu avec les nombreuses autres variantes de cette famille d’arme), et alors que le monde quittait (du moins pour un moment) les engagements massifs de troupes au profit de la dissuasion nucléaire. Le 29 Août de cette même année, la première bombe nucléaire soviétique « RDS-1 » détonnait. La fin de la mobilisation en 1945 avait faire fondre comme neige au soleil les effectifs de l’Armée Rouge (qui avait dépassé, à son pic pendant la guerre, les 34 millions d’individus) tout en « professionnalisant » quelque peu les effectifs restants dans une toute jeune « Armée Soviétique ». Ainsi, dans ce contexte, la SKS devenait simplement une arme de plus dans un arsenal soviétique déjà bien (trop) diversifié. Par ailleurs, il s’agissait alors d’une arme qui répondait à un besoin qui n’existait plus en URSS. En effet, le niveau général de la population militaire, plus restreinte et mieux formée, permettait l’emploi d’armement plus complexe, plus polyvalant et, finalement plus efficace. Dès lors, il n’est pas surprenant que faisant preuve de pragmatisme, la fabrication de l’arme fut abandonnée au milieu des années 1950.
Sergei Gavrilovich Simonov
Repéré dès 1918 par V.A. Degtyarev alors qu’il travaillait sur des pièces des armes conçues par V.G. Fedorov, Sergei Gavrilovich Simonov sera très rapidement associé à la conception de fusil et de carabine semi-automatique et automatique. Il présentera de nombreux prototypes à partir de 1926 et connaitra une première consécration avec l’adoption de l’AVS-36 en 1936. Selon l’auteur Soviétique D.N. Bolotin, 65 800 exemplaires de cette arme ont été produits au moment où la production s’arrête en 1940. Si les fusils semi-automatiques qui succéderont à l’AVS-36 seront les SVT-38 et SVT-40 de F.V.Tokarev, il ne s’agit nullement d’une mise sur la touche du concepteur. Au contraire, il sera mis à l’œuvre pour la réalisation dans une urgence incroyable du PTRS-41 (décrit en détail dans l’article en lien ici). C’est donc en toute logique que S.G.Simonov fera partie des personnes sollicitées pour le développement d’une carabine semi-automatique pour le tout nouveau calibre intermédiaire adopté en 1943 : la 7,62×41 mm. Parmi les autres concepteurs d’armes qui furent sollicités, on trouve V.A. Degtyarev, N.V. Rukavishnikov, F.V. Tokarev (selon Maxim Popenker), mais aussi de façon très documentée, M.T. Kalashnikov qui signe ici une de ses premières participations officielles à la conception d’une arme pour les besoins de l’Armée Rouge.
Tout comme pour le fusil antichar semi-automatique PTRS-41, les travaux de S.G. Simonov sur cette nouvelle carabine sont principalement basés une carabine semi-automatique en 7,62×54 mm R de 1941 de sa propre conception. Il s’agit donc du travail inverse à la conception du fusil antichar semi-automatique : non pas une augmentation de calibre (vers la 14,5×114 mm pour le PTRS-41), mais une réduction de calibre vers ce qui allait devenir in fine, le 7,62×39 mm (Photo 02). Ce travail, qui n’est pas « simple » à proprement parler, est cependant plus aisé dans ce sens : les contraintes mécaniques étant moindres, et le nouveau calibre étant dépourvu de bourreletForme du culot d'une munition qui comporte un retour d'un di... More comme la 7,62×54 mm R. Ses travaux débutent vraisemblablement en 1944 et permettent de rapidement proposer une carabine qui sera testée sur le premier front Biélorusse au printemps de cette même année et par l’école d’entrainement des officiers « Vistrel » (« Выстрел », littértalement « tir »). Cette carabine est sensiblement différente de celles que nous connaissons : elle est doté d’une frein de bouche (comme l’AVS-36), d’un tube emprunt de gaz non démontable au niveau utilisateur et dépourvue de la baïonnette pliante aujourd’hui si caractéristique de l’arme. Si cette carabine n’est pas dépourvue de défaut, les retours sont très positifs. La simplicité de l’arme et son avantage tactique (par rapport à un Mosin-Nagant) sont grandement loués, mais l’arme est tout de même sensible à l’encrassement exogène (nous détaillerons pourquoi plus loin).
Parmi les armes proposées par ses concurrents, la carabine conçue par M.T.Kalashnikov sera bien testée entre 1944 et 1945. Sans être dépourvue de qualité, elle n’avait pas atteint la maturité de l’arme de S.G. Simonov qui s’appuyait sur près de 20 ans de travail dans ce domaine. En conséquence, après quelques modifications qui donneront naissance à l’arme que nous connaissons, la carabine de S.G.Simonov est « validée » avant la fin de la guerre par l’Armée Rouge et sera officiellement adopté 1949. Son appellation sera « 7,62-мм Самозарядный Карабин системы Симонова образец 1945 года » (« Samozaryadny Karabin sistemy Simonova, obrazerts 1945 goda » soit « Carabine Semi-automatique système Simonov, modèle de l’année 1945). La dénomination abrégée officielle sera « СКС », en cyrillique, soit SKS en alphabet latin. On peut noter que la « validation » et l’adoption officielle sont espacées de près de 4 ans : mais en réalité, une fois la guerre terminée, les priorités ne sont plus les mêmes. C’est en cette même année 1949 que l’arme est mise en production à l’usine de Tula, puis en 1951 à l’usine de Izhevsk. 1949 est donc également l’année qui voit la mise en production en « l’AK-47 type 1 » à Izhevsk. Les deux armes voient donc leur mise en service effective dans l’armée Soviétique au même moment. Contrairement à une idée souvent avancée, la (c’est une carabine) SKS n’est pas la première arme en 7,62×39 mm mise en service dans l’armée Rouge / Soviétique : elle est en réalité précédé de quelque mois pour le fusil-mitrailleur « RPD » : validée en 1944, l’arme est mise en production en 1948 à l’usine de Kovrov.
Pour ses travaux sur la SKS, S.G. Simonov recevra le Prix Staline en 1949, en même temps que M.T. Kalashnikov pour ses travaux sur l’AK et V.A. Degtyarev pour ses travaux sur la RPD. Ce dernier, décédé le 19 Janvier 1949, recevra ce prix à titre posthume.
Du « système d’armes » au « système d’armes unifiées »
Les 3 armes sont ainsi misent en productions et commencent à être distribuées quasiment en même temps (Photo 03). De fait, cet ensemble est pensé et adopté comme un « système d’armes d’infanterie » autour de la munition de 7,62×39 mm :
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